Comparaison des Formats Stéréo

Comme la plupart des gens qui me connaissent peuvent le confirmer, je déteste le gâchis. Cela va aussi pour les idées. Sound Engineer & Producerétait une formidable revue anglaise des années 80 et début 90, distribuée partout en Europe. Ce que j'appréciais particulièrement chez eux c'était leurs tests intensifs, que ce soit de consoles, de systèmes d'écoute ou... de magnétophones. Certains de ces tests étaient répartis sur plusieurs numéros sinon l'info ne tenait pas. J'aimerais ainsi partager avec vous une partie de cette merveilleuse source d'information pour l'ingénieur du son moderne.
Je tiens à remercier Simon Croft, l'éditeur, et Zenon Schoepe, l'éditeur délégué, de nous avoir proposé des articles d'aussi bonne qualité à l'époque ; la plupart des magazines
(du moins en France) pourraient vraiment s'en inspirer.
Maintenant, voici l'article (traduit de l'anglais du mieux que j'ai pu) :


COMPARATIF ENTRE FORMATS STEREO
SE&P Jan 1989


 

 

Les techniciens de Studer, Sony, Otari, Mitsubishi et Dolby surveillent leurs machines pendant le test

Nous avons invité neuf professionnels de l'audio au Studio 1 de CTS pour leur demander s'ils peuvent entendre la différence entre les formats d'enregistrement stéréo Studer A820 avec Dolby SR, Sony PCM 3402 DASH, Otari MTR20 avec Dolby SR, Studer D820X DASH et Mitsubishi X86 Prodigi. Un test difficile mais aux résultats très intéressants.

Dernièrement (attention, nous sommes en 1989 !!! NDT) , de nombreux utilisateurs ont exprimé leur opinion par rapport aux vertus respectives de l'analogique avec Dolby SR, et du numérique DASH et ProDigi. Bien que ces gens soient certainement convaincus de leurs avis sur la question, c'est un fait que la plupart des opinions exprimées sont contradictoires.

Maintenant, c'est une chose de soutenir les vertus d'un système dans lequel on vient d'investir - lorsque l'argent ou la réputation personnelle est à l'épreuve. C'est une toute autre chose que d'évaluer les divers formats dans des conditions identiques sans le moindre indice concernant le format écouté. Voilà exactment les conditions que nous avons arrangées car nous pensions qu'il était grand temps de découvrir ce que les oreilles ont à dire lorsque les yeux n'ont pas encore eu la chance de donner leu avis.
  Pour que les séances d'évaluation soient significatives, il était essentiel que le signal soit de la plus haute qualité du début à la fin de la chaîne de reproduction et que la source soit à la fois reconnaissable et variée en termes de timbre et de dynamique. Nous voulions que nos auditeurs puissent comparer des formats d'enregistrement stéréo, pas des acoustiques de pièces tortueuses ou des patches de synthé.
Heureusement, CTS Studios nous proposèrent gentiment le gigantesque Studio 1 pour la journée, avec piano Steinway inclus. Nous y avons convié le meilleur pianiste, contre-bassiste, batteur et saxophoniste que nous avons pu trouver. L'ingénieur maison, Jonathan Miller, utilisa des omnis Bruel & Kjaër pour la totalité du quartet, pour fournir une transparence extrême et un minimum d'anomalies liées à la phase. La seule exception fut la contre-basse, qui fut aussi reprise par capteur piezzo.

La séparation acoustique et la gestion du son de la pièce fut obtenue par des écrans mobiles. En fait, un peu de réverb AMS fut ajoutée au mix final. La console Neve série V fut utilisée pour la gestion des micros ainsi que pour alimenter simultanément les 5 magnétophones. Aucun traitement de dynamique ne fut inserré sur le cheminement du signal et en fait, les musiciens étaient même encouragés à exploiter la plus grande plage dynamique possible.
Dans de telles conditions, ce n'était pas très facile de fournir le signal idéal à chaque machine. A part les besoins légèrement différents de l'analogique et du numérique, il y a des variations de niveau de référence ainsi qu'un groupe qui joue de plus en plus fort à gérer. Cependant, ces divers facteurs furent intégrés de manière satisfaisante avant la prise définitive.
Chaque magnétophone fut installé et réglé par un représentant de la société concernée, tout comme les réducteurs de bruit Dolby SR. Donc, on peut dire sans se tromper que chaque magnétophone et chaque unité de réduction de bruit ont donné le meilleur d'eux-même. D'ailleurs, lors des premiers passages, la régie ressemblait à une répétition de la scène de la course de char dans Ben Hur, alors que chaque technicien grimaçait sur son jeu de réglages !
 


Puisque nous voulions que nos auditeurs puissent écouter les magnétophones entre eux mais aussi par rapport au groupe jouant live, nous nous sommes penchés avec attention sur la possibilité d'écouter l'enregistrement en direct, 'après-bande'. Nous sommes finalement revenus sur cette décision pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, le décalage enregistrement-repro des magnétophones n'est pas similaire d'un magnéto à l'autre et aurait pu fournir des indices à l'auditeur. Ensuite, nous voulions proposer des tests d'écoute individuels - et dix prises 'parfaites' et consécutives sur cinq magnétos différents, pendant plusieurs heures de séance, auraient été un peu difficiles pour le groupe et l'ingénieur !

Il a donc été décidé que le groupe enregistrerait une version de dix minutes de How Deep Is The Ocean sur tous les formats en même temps. Chacun de nos auditeurs a pu profiter d'une séance individuelle en régie, constituée d'une version live de 5 minutes du morceau, suivie par une écoute des versions longues sur bande.

Bien que cela voulait dire que l'auditeur n'aurait pas la possibilité de faire un comparatif A/B entre la source et l'enregistrement, cela leur laissait une chance raisonnable de s'habituer au groupe et au système d'écoute ATC. (Il se trouve que CTS est équipé pour mixer au format cinéma Dolby Stereo mais seuls les haut-parleurs avant L/R furent utilisés lors de l'évaluation).

Nous pensions qu'il était essentiel que les auditeurs participent individuellement car
a) nous pouvions garantir qu'ils ne s'influenceraient pas mutuellement,
b) ils pourraient s'asseoir à la position d'écoute optimale,
c) ils pourraient passer d'un format à l'autre selon leur bon vouloir pendant la lecture, comparant par exemple les solos de batterie ou de contre-basse sur les diverses machines.

Il est utile de mentionner qu'il était impossible pour les participant d'identifier les machines visuellement. Tous les magnétophones étaient derrière la console, leurs affichages tournés dans le mauvais sens par rapport aux auditeurs. Les machines étaient lancées à la main, en synchro approximative, puis l'audio était fourni au système d'écoute.

Bien que nous ne pouvions espérer produire un panel statistique représentatif avec neuf participants, nous voulions néanmoins fournir une base sur laquelle les auditeurs pouvaient porter leur jugement . Chacun s'est vu fournir un formulaire avec diverses catégories pour ses remarques. Après la séance, chaque auditeur fut pris à part et invité à commenter ses observations.

Voici ce qu'ils nous ont dit...