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la Trident Di-An
J'aurais eu d'autres photos couleur, et de bien plus belles, si on ne m'avait pas "emprunté ma doc à tout jamais" !!!

Je ne sais plus qui de SAJE avec la MEMORY (console destinée à faciliter la gestion de spectacles complexes), ou de TRIDENT (avec la DI-AN) fut le premier vers le début des années 80 à se lancer dans la production d'une console analogique à commande numérique. Pour moi, la DI-AN (DIgital ANalogue) restera longtemps la console la plus adaptée au travail en studio... du moins sur papier (sinon, elle ne serait pas dans cette rubrique !).

Pour vraiment apprécier toutes les subtilités de l'engin, je vous invite à en lire plus sur la différence entre une console analogique traditionnelle et une console analogique à commande numérique.

Presque 10 ans plus tard, une autre marque reprendra le concept, en y adjoignant un moniteur vidéo couleur et... révélation : le monde découvre l'EUPHONIX, que de nombreux journalistes incultes révèreront à longueur d'article comme "la première console analogique à commande numérique." Combien de fois les dirigeants de TRIDENT (des anglais) ou SAJE (des 'frenchies') ont-ils dû friser l'apoplexie en lisant de telles inepties, qui plus est de la part de compatriotes !!! Pour une fois qu'on peut crier 'cocorico' à propos d'une console française, il y a toujours des imbéciles pour croire que c'est mieux du moment que c'est américain ou anglais.

C'est effectivement très joli, sur une Euphonix, de regarder la petite balle rouge représentant le gain du VCA glisser sur la courbe de transfert du compresseur, sortant de sa trajectoire en fonction du temps d'attaque et de release... très pédagogique. Mais en ce qui me concerne, une console bien conçue n'a pas besoin d'écrans vidéo pour être pleinement efficace. Une ergonomie souvent mal étudiée me semble vite 'rattrapée' (plutôt une opération cache-misère) de nos jours par les fabricants grâce à un foisonnement d'écrans qui, évidemment, impressionnent les gogos dans les salons audio 'pro'. Je ne voudrais pas non plus passer pour un ringard, comme ce producteur pourtant célèbre qui en 1979 devant une des premières SL4000 E SSL aurait lâché cette phrase désormais entrée au panthéon des citations audiovisuelles :

"jamais une console avec une télé dedans n'aura du succès" !

Elle reste, plus de 20 ans après, la console la plus souvent croisée en studio (la 4000 G n'étant qu'une variante) !!! Je reconnais qu'un écran est indispensable sur une console dont l'ergonomie n'a pas été étudiée pour essayer de s'en passer ! Mais écran vidéo = reflets. Il est pratiquement impossible sur une Oxford SONY, sur une Capricorn NEVE ou toute autre console à multiples écrans, de les visualiser tous sans problème de reflet. A moins d'avoir carrément un éclairage étudié. Bon, zut, il faut casser le plafond et refaire les luminaires, ou casser la verrière pour éliminer la lumière du jour (quel dommage), j'en passe et des meilleures. Tout ça, bien évidemment, pour que votre console soit exploitable, puisque sans écran c'est pratiquement impossible !!!

Sur la DI-AN, donc, pas d'écran vidéo.
Ah la la la la ! On va pas pouvoir faire du son avec alors ?

Son système de réglage de gain automatique, par exemple, reste un concept unique à la DI-AN, qu'aucun autre constructeur à ma connaissance n'a cru bon d'intégrer. L'idée : vous avez installé vos micros pour une séance de jazz complexe. Vous en avez câblé une bonne trentaine. Vous appuyez sur UN BOUTON dans la section centrale. Vous demandez alors à vos musiciens d'interpréter le passage le plus fort qu'ils ont l'intention de jouer et... alors que vous vous roulez les pouces, chaque étage de gain d'entrée se règle automatiquement à 3 dB du niveau de saturation. Sans écran vidéo ! Vous êtes prêt à enregistrer.  


Panneau Input (à gauche) et routing (à droite). Notez le panoramique (en bas) avec ses deux boutons latéraux et son afficheur de position.



Panneau EQ avec (en bas à droite) ses 4 mémoires

  Autre amélioration de taille par rapport à la console ordinaire de l'époque (nous sommes en 1982 !!!) : le panneau d'égalisation comporte 4 bandes pleinement paramétriques, plus deux filtres, ce qui est déjà vraiment pas mal. Mais la cerise sur le gâteau, c'est que 4 réglages complets et différents peuvent être stockés en mémoire (A, B, C & D), pour comparer, automatiser, etc...
Mais ce n'est pas tout. La section monitor, habituellement appauvrie sur les consoles in-line de l'époque, bénéficie de son propre panneau d'EQ, identique en caractéristiques !
Et si le mix de monitoring à la prise sonne d'enfer et qu'on veut être sûr d'avoir le même dans les channels pour le mix, une fonction de copie est prévue !!!

24 départs aux par channel, 24 départs aux par monitor. En réalité, le niveau du 1 et du 13 sont solidaires, et ainsi de suite. Ca fait tout de même 12 départs indépendants par cheminement de signal, avec 12 autres en miroir !

Les panneaux peuvent êtres disposés à volonté sur la surface de contrôle
(voir photo ci-dessous) ce qui permet d'avoir toutes les commandes sous la main, sans quitter son siège.

Pour finir, l'indispensable clavier informatique qui va permettre de nommer les 512 configurations mémorisables, d'en enchaîner jusqu'à 128 différentes lors d'un même mix, etc. etc... Notez les deux drives disquettes intégrés à la surface de contrôle
(en haut à gauche).
 


Panneau Départs Aux


Vue du dessus, avec un méchant grand-angulaire considérant la taille de la bête !

"Alors pourquoi qu'elle a pô marché c'te brave console ?"

Tout d'abord, elle n'a "que" 32 group-outs, ce qui n'est pas vraiment un handicap pour la plupart des séances d'enregistrement "rock" mais peut s'avérer gênant en jazz ou classique. L'arrivée des magnétos DASH 48 canaux forceront les constructeurs à proposer 48 bus de sortie.

Vu le concept de la console, les toutes premières versions ne permettaient pas de muter deux faders en même temps !!! Ils ont vite modifié ce comportement sur les versions suivantes. L'avantage de ce genre de concept audio c'est que quelques lignes de code informatique supplémentaires permettent de modifier le fonctionnement de la console en fonction des remarques pertinentes des clients.

Cela deviendra aussi le mensonge le plus classique des constructeurs : "ne vous inquiétez pas, on peut tout améliorer par logiciel dès les prochaines versions !"

Mais ce qui a vraiment causé du tort à la commercialisation de ce bijou, à part l'ergonomie déroutante pour les esprits obtus, c'est les problèmes de mise au point (cette idiotie au niveau des mutes sur les premières versions par exemple) et d'installation chez le client. Il ne s'en est pas vendue beaucoup dans le monde. En France, rien... Ailleurs, peut-être cinq !!! Je sais qu'il y en a une chez Goodnight L.A. Studios, l'antre de Keith Olsen (Fleetwood Mac, Foreigner, Pat Benatar, Whitesnake, ...) à qui l'on doit notamment In the Hot Seat d'Emerson Lake & Palmer, et une autre en Angleterre, au studio Music Room de Paul Travers.

Voilà un bien beau concept, trop vite enterré, et déterré pour vous par les archéologues du Jurassique Audio Park.